mardi 27 décembre 2016

TEDx 2016 (1) : la genèse

Je vais vous raconter une histoire qui a commencé un soir de mai à Strasbourg.

Je conduisais et Thierry était à mes côtés. Je conduisais et je lui racontais mes trucs et astuces pour aider les jeunes à grandir. Depuis quelques années, j’avais pris l’habitude d’en parler avec des amis pour leur donner des billes qu’ils pourraient reprendre à leur compte dans leurs relations avec les jeunes. Je parlais à Thierry de la manière dont je forçais les élèves et les étudiants à se mélanger pour travailler en sous-groupes mixtes et multiculturels.

Ou de la manière dont j’aidais les gens à donner du sens à leurs actions. De l’importance d’avoir une vision de ce que l’on veut, non pas atteindre, mais de ce qu’on doit faire pour se mettre dans la bonne direction avec une bonne énergie.

Ou encore de mon énervement de voir des jeunes plein de vie dans mon club de foot et des jeunes diplômés timorés à peine entrés dans le monde de l’entreprise.

Et j’avais inventé un concept pour exprimer cette difficulté rencontrée par les jeunes : la crise d’adolescence professionnelle.

Un prof de philo à qui j‘en avais parlé m’avait expliqué que j’étais un tuteur en développement. Et il m’avait incité à lire Boris Cyrulnik. J’ai lu et j’ai découvert qu’il existait trois pères : le père biologique, le père auprès duquel nous grandissons. Ces deux-là peuvent être les mêmes, sauf en cas de remariage de la mère ou d’absence du père. Enfin, le troisième père est le Tuteur en développement. Ce peut être un éducateur, un « grand-frère », Le tuteur en développement, c’est celui qui vous parle et que vous respectez, celui qui vous conseille et dont vous suivez les conseils, même en son absence. En découvrant ce concept, j’ai alors mis des mots sur mon fonctionnement, ma capacité d’écoute et d’analyse. Mais je n’ai toujours pas trouvé la manière d’avoir cet effet pour inciter l’autre à se prendre en charge.

Je parlais à Thierry et mes tripes s’exprimaient. Et à un moment, il m’a dit que c’était super et que je devrais postuler à un TEDx. Et qu’il était l’un des organisateurs du TEDx de La Rochelle et que le thème de 2016 serait justement sur la mémoire vive, l’apprentissage, la transmission.


Les TEDx, j’en avais vu quelques uns, mais je ne me sentais vraiment pas légitime. Mais, en même temps, si Thierry y croyait, alors pourquoi pas ? Et puis à La Rochelle, ça me permettait de sortir de ma zone de confort tout en limitant le risque à 1000 kilomètres de distance.

Mais entre des trucs et astuces et un TEDx, il y a bien plus que 1000 kilomètres. Quel était le sens de ces trucs et astuces ? Je ne m’étais jamais posé la question. Alors j’ai commencé à y réfléchir. A ordonner mes idées.

Fin mai, j’avais pondu un premier jet qui commençait comme ça.

« Je t'ai choisi parce que c'est gagnant-gagnant. Moi, je vais t'apporter mon expérience, et toi tu vas m'apporter tes savoir-faire et bousculer mes certitudes !"

Depuis vingt ans, je scrute des CV et je recrute des apprentis d'une vingtaine d'année. Et depuis vingt ans, je me plante. Je pense leur apporter mon expérience, et pourtant je n'arrive pas à les mettre suffisamment à l'aise pour me bousculer et m'apporter leurs acquis et leur grain de folie.

Je me dis que je suis vraiment un vieux con, plein de bonnes idées généreuses mais incapables de les mettre en pratique.

Alors, le soir, je rentre chez moi et je me prends la tête avec mes gosses. Fais-ci, fais-ça. Mais évidemment, ils n'en font rien. Même pas aider un peu en sortant et rangeant la vaisselle propre, en lançant une machine à laver leur propre linge. Bon, OK, ça s'appelle la crise d'adolescence. Rester encore un peu enfant et ne pas trop vite devenir un vieux con. En même temps, je les comprends un peu.

Du coup, j'ai réfléchi à ma relation avec mes apprentis et j'ai mis des mots sur ces barrières. Et j'ai appelé ça la crise d'adolescence professionnelle. »


Et puis j’ai retravaillé mon texte et j’ai transmis à Thierry une version pour postuler à ce fameux TEDx. Et manque de bol, ils m’ont retenu. Alors j’ai vraiment commencé à me prendre la tête.

J’ai commencé à me prendre la tête car j’ai voulu intellectualiser mon talk. J’ai commencé à faire des recherches et j’ai découvert quelques articles qui évoquaient la crise d’adolescence professionnelle. Qui citaient cette expression sans vraiment y apporter des bouts de solution. Ouf, il me restait un espace d’expression non occupé. J’ai commencé à en écrire des explications psychanalytiques puis je me suis ravisé et je suis revenu à mes expériences vécues. Et j’échangeais beaucoup avec Thierry.

Les 23 et 24 septembre, les organisateurs proposaient aux speakers un week-end de coaching. Alors j’ai pris le train et j’ai découvert d’autres speakers qui avaient été sélectionnés. Et des coaches, nombreux, qui allaient nous aider à transformer notre texte en un talk de 18 minutes max, et 12 minutes idéalement comme ils nous l’ont conseillé. Des coaches pour la voix, pour la présence scénique, pour la gestion sophrologique du moment, pour le story-telling. Et ils m’ont poussé dans mes retranchements.


Quel message voulais-je faire passer ? Comme Gilles et James et Stéphane nous l’ont matraqué, la question primordiale à laquelle il faut toujours répondre avant de se lancer dans un projet ou entamer une tâche importante, c’est : pourquoi ? Le pourquoi nous libère de l’obsession du quoi (=notre expertise) pour nous focaliser sur le comment : afin d’atteindre notre but, comment faire cette présentation, quels moyens mettre en œuvre ? Les gens n’achètent pas ce que nous faisons (le quoi) mais ce en quoi nous croyons (le pourquoi).

En discutant avec eux, j’en suis venu à comparer mes trucs et astuces avec un rituel de passage d’un permis de conduire. Un rituel qui serait le permis devenir. Puis, Stéphane, Sandrine et Hélène m’ont donné des post-it pour réorganiser mon histoire. Et l’histoire a commencé à tenir la route.


Les semaines ont passé et mes versions se sont accumulées. Pas loin d'une centaine. Et j'en testais avec ma famille, Tom, Camille, Véro. Entre temps, les lundis soir, nous avions des confcalls de relaxation avec Sylvie. Et puis je suis passé en mode talk oral à distance et par Skype avec Gilles. Et j'ai commencé à tester le talk devant des amis, Anne et Abdel. Puis je suis allé rencontrer Philippe et les organisateurs du TEDx de Strasbourg pour avoir leur avis. Et puis j’ai passé deux heures avec Adeline qui, comme d’habitude, m’a été d’une aide précieuse et positive. Et puis j’ai croisé Natacha qui m’a dit de ne pas me cacher derrière des généralités. Et puis j’ai cherché des photos pour illustrer mon talk. Et surtout pour aider les personnes « visuelles » à suivre le fil de ma pensée. Et comment j'allais parlé de Ryan, Zakaria, Benjamin et Daniel sans en dire trop ? Mais en en disant assez néanmoins ?

Et puis la semaine du 19 novembre est arrivé. Le 16, je me suis lancé et j'ai fait mon talk devant mes collègues, Isabelle et Ludo, ainsi que devant deux apprentis justement, Massi et Vincent. Et ils m'ont rassuré et donné encore deux-trois remarques que j'ai prises en compte. Le lendemain, j’ai pris le train. Cinq heures pour encore écrire et réécrire pour revenir à l’essentiel. Pour encore supprimer 300 mots. Et le 18, à J-1, on a repéré la scène et répété et bénéficié des nouveaux conseils pertinents de nos coaches, tous réunis et tous aux petits soins. Et on a fait les essais de voix le 19 au matin. Et puis l'après-midi est arrivée. Et puis. Et puis. Et bien on y était.

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