Nous étions douze intervenants et deux artistes. Quatorze intervenants et artistes de 13 à 90 ans décidés à partager avec le public leurs expériences et leur regard sur l’éducation, la transmission et la mémoire. Les sept premiers de 15h à 17h15, puis pause, puis les sept suivants de 17h45 à 20h. Mon passage était prévu en 14ème position, vers 19h.
Pour mon talk, suivez ce clic > http://www.tedxlarochelle.com/portfolio/bernard-bloch/
Et pour le texte complet, c‘est juste après.
Le permis d’être soi-même (texte original)
Et celui-là ? Le Permis d’être soi-même. Vous n’le connaissez pas encore. C’est normal, j’l’ai inventé !
Mais alors, y a un truc qui m’énerve, c’est quand j’les vois arriver dans l’monde de l’entreprise. Au bout de 15 jours, ils sont devenus des clones. Des clones ! Des copies conformes de ceux qui sont là depuis des 20 ans. 15 jours ! 15 jours ont suffi pour leur faire oublier qui ils sont et tout ce qu’ils ont appris. Un vrai gâchis. Et ça m’énerve.
Des jeunes j’en vois plein dans mon club de foot. Ryan, par exemple. Il a 12 ans et son entraîneur en a fait son capitaine. Sur le terrain et dans les coulisses, Ryan est le porte-parole de son équipe. Face à l’entraîneur. Face aux arbitres aussi.
Chez nous, notre arbitre officiel s’appelle Zakaria. Vous savez quel âge il a ? 15 ans ! Le mois dernier, je lui ai demandé ce que ça lui faisait d’être arbitre. Vous savez ce qu’il m’a répondu ? "C’est super. Sur le terrain, j’suis l’patron !!!" Zakaria, 15 ans. Patron d’une PME de 30 joueurs tous les week-ends.
J’adore voir tous ces jeunes épanouis qui prennent des responsabilités… Mais quand j’les vois arriver dans le monde de l’entreprise… Quel décalage !
Vous savez où est la différence entre le monde du sport et le monde de l‘entreprise ? En fait elle est là. Dans les tripes !
Dans les tripes du jeune qui veut gagner sa place et qui se bat pour y arriver. Dans les tripes de son entraîneur aussi. Qui a envie de transmettre sa passion ! Et qui s’est formé pour ça !
Malheureusement, dans l’entreprise, les tripes ont disparu. Surtout ne pas faire de bruit ! Le jeune le sait si bien qu’il arrive la boule au ventre. Et il a tellement peur de mal faire qu’il va imiter les autres… Oublier qui il est… Devenir un salarié anonyme.
Un jeune étudiant qui entre dans la vie professionnelle, en fait, c’est un jeune qui va vivre la crise d’adolescence professionnelle. Du coup, j’ai inventé le Permis d’être soi-même. Et j’ai mis au point une méthode en quatre étapes : le Permis de rêver ; le Permis de se planter ; le Permis de réussir ; le Permis de s’assumer.
La 1ère étape, c’est le Permis de rêver
C’est comme le Permis de conduire. Je me souviens très quand j’étais assis à l’arrière et que je rêvais du jour où je conduirais la voiture… Et puis un jour, vous réalisez votre rêve. Vous avez le Permis et vous conduisez tout seul, pour la première fois de votre vie…Waw…
Au boulot, le dernier étudiant en alternance que j’ai accompagné, c’était Benjamin. Lors de notre premier point-dossier, je lui ai demandé de me raconter ses rêves professionnels. Ses passions aussi. Du coup, je lui ai raconté ma vie associative. Mon parcours professionnel. Et mon rêve qui consiste justement à l’aider à devenir un professionnel épanoui.
Savoir écouter nos rêves, c’est savoir entendre le message que nos tripes envoient à notre cerveau.
Le Permis de rêver... La 2ème étape, c’est le Permis d’se planter.
Dans le sport ou dans un jeu vidéo, parfois on gagne, parfois on perd, mais ce n’est pas grave, on réessaye et on finit par réussir. A l’école et dans l’entreprise, c’est tout le contraire : l’échec est sanctionné. Zéro pointé ! … Comment voulez-vous aider un jeune à s’épanouir professionnellement si personne ne lui accorde le permis de se planter ?
Benjamin, après quelques semaines, je lui ai demandé d’écrire un article sur un événement auquel il avait participé. Le lendemain, il m’a montré son projet : le premier article de sa vie professionnelle… C’est important ça… Alors j’lui ai dit cash ce que j’en pensais. Durant l’événement, il était super heureux. Il avait participé à plein d’activités. Et là, il m’écrivait un article formaté, sans âme, sans tripes. Du coup, je lui ai demandé de le retravailler. Pendant deux jours je l’ai vu téléphoner et écrire. Et quand il me l’a remontré, j’étais scotché. Il avait interviewé les partenaires et les participants. Et il avait même écrit l’article à la première personne. Un vrai beau témoignage.
En fait, Benjamin a réussi à écrire cet article parce que j’lui ai permis de se planter ; parce que j’lui ai montré qu’il s’est planté ; et parce que j’l’ai poussé à chercher la solution au fond de lui. (je pointe mon ventre) Sa solution !
Le Permis de rêver. Le Permis d’se planter. La 3ème étape, c’est justement le Permis de réussir.
Mon apprenti, quand il a pris confiance en lui, je lui confie des dossiers en responsabilité. Mais il s’appuie encore beaucoup trop sur moi. Il n’ose pas réussir. Et ça, ça m’embête beaucoup parce qu’il n’est pas autonome. Alors, j’ai essayé de trouver une solution en regardant autour de moi.
Mon épouse est kinésithérapeute. Quand on part en vacances, elle met une annonce dans l’école de kiné et elle recrute un remplaçant. La veille de notre départ, elle lui explique le cas de chaque patient. Et puis elle lui confie les clés. Et le lendemain, nous, on est sur les pistes de ski. Et lui, il soigne les patients. En toute confiance.
Du coup, j’ai essayé un nouveau truc. J’attends le jour où mon apprenti doit organiser et animer une réunion à laquelle je participe. Et au dernier moment, la veille au soir, j‘le plante !! Je lui dis que j’ai un empêchement mais je le rassure aussitôt en lui disant qu’il a toutes les clés en main. Et j’le laisse se débrouiller. Et il se débrouillera parfaitement. Et à sa manière en plus !
Pour accorder à quelqu’un le permis de réussir, il faut l’aider à couper le cordon ombilical. C’est le meilleur moyen d’éviter d’en faire le clone de vous-même.
Le permis de rêver. Le permis de se planter. Le permis de réussir. La 4ème étape avant d’être un peu plus soi-même, c’est le Permis de s’assumer.
Qui on est ? Qui on veut être ? Qui on choisit d’être ? Et qui l’assume ? Quand j’interviens dans des classes, j’aime bien faire travailler les jeunes en sous-groupes. Et chaque fois, je rencontre le même problème. Après une minute, je les interromps et je leur demande : « Y a rien qui vous gêne ? Vous trouvez normal de vous rester entre garçons ou entre filles ? » Je leur demande alors de se mélanger. Et après deux minutes, je les interromps à nouveau : « Vous trouvez normal que dans chaque sous-groupe, c’est une fille qui prend les notes ? » En fait, je les force à analyser la situation et à prendre une décision. Peu importe laquelle, mais chacun devra assumer ce qu’il décide de faire. Ou de ne pas faire.
Votre meilleur ami, c’est celui qui vous dit vos quatre vérités. Qui vous force à vous regarder dans le miroir. Pour votre bien. Pour vous aider à grandir. Et à vous assumer pleinement. Et bien, c’est exactement ce que j’essaie de faire avec les jeunes.
Le permis de rêver. Le permis de se planter. Le permis de réussir. Le Permis de s’assumer. Quand vous avez passé ces 4 étapes, alors vous êtes mûr pour le Permis d’être soi-même.
Le Permis de conduire, on vous le donne : le Permis d’être soi-même, vous pouvez vous l’accorder tout au long de votre vie. Mais il y a un point commun : dans les deux cas, un tuteur vous accompagne : pour le Permis de conduire, un moniteur d’auto-école ; pour le Permis d’être soi-même, un moniteur d’école de la vie.
Des moniteurs d’école de la vie, on en croise parfois à différents moments de notre vie. Très peu en fait. Le premier que j’ai croisé, j’avais 9 ans. C’était mon instit’. Daniel Jurquet. Chaque lundi, il demandait aux élèves qui le souhaitaient de venir raconter leur week-end. Moi j’étais un élève moyen. Mais un jour, j’ai décidé d’y aller. Et devant toute la classe, j’ai raconté mon match de foot et mes expéditions en vélo avec mes amis. Et j’ai vu les yeux de mon instituteur qui brillaient : c’était la première fois qu’un adulte s’intéressait à ma vie ! Le lendemain, je n’étais plus le même. En fait, il m’avait accordé mon premier Permis d’être moi-même.
Aujourd’hui devant vous, je m’accorde le permis de rêver à voix haute. Nous sommes 400 personnes dans cette salle. Vous imaginez si tous ensemble on s’accordait le permis d’être nous-mêmes ? Si tous ensemble on décidait d’être des moniteurs d’école de la vie ? Pour nos gosses ! Pour nos jeunes !
Moi, j’y pense à chaque fois que j’entends le mot «Permis». «Permis !» Ce soir, nous pouvons être 400 moniteurs d’école de la vie en sortant d’ici. Et pourquoi pas ? Tout est possible. Tout est permis.
Merci.
En guise de revoir...
Je n’étais qu’un parmi d‘autres et il faut absolument que je vous les présente et que vous preniez la peine d’écouter leurs talks.
Julien Moreau > Être éco-aventurier pour créer des aventures au service de l’homme et de son environnement.
Eléa Spampani > Une aventurière au début sociale et politique qui s’est transformée en une aventure humaine et amicale, sur fond de migrants.
Zoë > Les enseignements d’un tour de monde en famille et en vélo par une jeune fille de 13 ans.
Ludovic Denoyer > Quelques principes fondamentaux de l’intelligence artificielle.
Armella Leung > Réinventer sa vie et vouloir le partager en bandes dessinées.
Claude Weill > Le message plein d’espoir d’un jeune homme de 90 ans.
Tarisayi de Cugnac : Les clés d’une éducation dans la joie.
Olivier Ryckewaert > Des recettes pour avoir des idées neuves et améliorer le service public.
Sébastien Turbot > Après avoir bien étudié la crise de l’éducation, il s’interroge : et si ?
Albert Moukheiber > Comprendre les erreurs de notre cerveau pour mieux s’en servir.
Moi > Le Permis d’être soi-même, un processus pour aider les jeunes à surpasser leur crise d'adolescence professionnelle.
Anne Georget > Les festins imaginaires, des recettes de déportés pour survivre et sauver la mémoire.
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