vendredi 14 décembre 2007

C’est dans cette rue

C'est dans cette rue
Que passent les voitures
Quittant le centre historique
Pour gagner les autoroutes

C'est dans cette rue
Que marchent les piétons
Longeant les murs crépis
Pour rejoindre leurs offices

C'est dans cette rue
Que certains matins
Je marque une pause café
Avant de regagner l'autoroute

Ce matin je me garais
Lorsque sortant de mon siège
Je vis par la fenêtre opposée
La tête d'un cheval

Ce matin ce cheval
Regardait le ciel
Immobile et lamentable
Sa tête sortant d'une poubelle

La poubelle était grise et bleu
Et la robe brune du cheval
A roulettes tranchait dans
Ce matin froid d'automne

Aussitôt je pris mon téléphone et
Dégageai le viseur de l'appareil photo
Tout en m'extirpant de la voiture
Quand à peine debout je la vis

Elle venait de surgir sur le trottoir
Femme quinquagénaire
Manteau rose vieillot
Joues rougies par le froid

Elle se tenait à cinq mètres de moi
Ses pieds solidement arrimés au sol
Ses doigts repliés tenant un téléphone
Photographiant Mon cheval

J'eus un fou-rire
Et refermai discrètement
Le viseur de mon téléphone
Avant de m'éloigner

Une demi-heure plus tard
Les DNA et mon café ingurgités
Je regagnais ma voiture
Quand à peine installé je le vis

Il venait de surgir sur le trottoir
SDF quinquagénaire
Manteau gris élimé
Joues rougies par le froid

Il se tenait à dix mètres de moi
Ses yeux fixant la poubelle
Il se tenait à trois mètres de moi
Ses mains libérant Mon cheval

Je regagnais mon autoroute
Et me remémorais cette histoire
Elle et moi fixant ces instants
Et lui revendant Mon cheval

Strasbourg, 14 décembre 2007



vendredi 7 décembre 2007

Trois jours et quatre poèmes à Paris


Rastafari Black rasta veste kaki


Écouteur sur les oreilles
Alpha Blondy ou 50 cents
Méfiance
Appréhension
Peur de l'inconnu
Approche
Derrière lui
Nuque dégagée
Peau nette
Regard glissant vers le bas
Valise
Sac à dos
Étiquette Iberia
L'Espagne
Chaleur
Flamenco
Salsa
Sons et lumières
Métamorphose fantasmagorique
D'un clodo douteux en guitar-hero
De ma méfiance en regain d'intérêt
Méfiance
Méfiance
Surtout de mes propres préjugés

Grain de poussière


Avant-hier dans le métro après avoir observé un rasta je termine un livre dans lequel Philippe Grinberg va au Mémorial de la Shoa découvrir son Secret
Le soir j'aperçois enfin mon hôtel de Turenne quand je passe par la Rue des Rosiers et devant la porte d'entrée du mémorial

Hier matin je pense au 22 à Asnières
Le soir Valérie me dit "C'est quoaaa ?" en imitant la voix nasillarde du Grand Fernand

Hier après-midi Anne qui bosse au Monde me parle de John Paul Lepers
... Que je croise à 23h38 en quittant des amis

Ce midi, C. Meyer me parle de son mari Pierre-Marie qui a des origines en Alsace à Woerth
Aussitôt j'appelle l'une de mes meilleures amies D. Meyer de Woerth pour savoir si elle connaît cette branche familiale

Trop de similitudes troublantes

Je rentre me coucher

Du fond de ce troquet trente et un an nous séparent


Cette année-là j'ai treize ans
Je passe ma Bar Mitzvah
Et depuis
Plus jamais je n'ai parlé hébreu
Et plus jamais je n'ai mangé casher traditionnel
Jamais tout à fait remis de ce repas de fête organisé pour marquer la réussite de mon passage dans la vie adulte
Toujours dubitatif devant un canard à l'orange
Et écœuré par ce sorbet casher sans goût que ma mère avait appelé "La surprise de Bernard"

Ce soir
Je déambule Rue des Rosiers
Au-dessus des portes
La mémoire reste vive
Le loup n'est jamais bien loin
Au numéro 4
Il s'agit de la mémoire des morts du Directeur, du personnel et des élèves de l'école ORT
Arrêté par la police de Vichy et la Gestapo
Déportés et exterminés à Auschwitz
Parce que nés juifs
Plus loin mais si proches
Au 16
Les Lewkowicz et les Merkier
Toute une famille
Tuée par les nazis
Avec la complicité de Vichy
De l'autre côté de la rue
Le numéro 7
Un restaurant
Un rideau fermé
Couvert d'affiches
Une enseigne
Jo Goldenberg
Ici pas de plaque commémorative
Pourtant ici
Cinq hommes ont fusillé
Tué six hommes
Blessé vingt-deux autres
C'était le 9 août 1982
Tués par la haine
"Et même parmi eux des Français innocents"
Commentaire du Premier Ministre de l'époque
Maladroitement
Extrême-droitement mal
Je pense à la peine des morts
A celle des survivants
Je poursuis mon chemin
Rue des Rosiers
D'autres enseignes
D'autres panneaux publicitaires
Ici je me sens chez moi
Cousin d'une histoire
Cousin de l'Histoire
Ici je suis des vôtres
Ici je veux faire comme vous manger un Fallafel
A présent je commande une assiette de boulettes de viande grillée que je savoure en écrivant ces lignes je vide mon assiette et termine ma Maccabee (une bière israélienne) puis saisi d'un doute j'interpelle un serveur kippa sur la tête "Au fait c'est quoi un Fallafel ?" que je lui demande "Une boulette de pois chiche vous voulez goûter ?" me demande-t-il avant de revenir avec au bout d'une fourchette en plastique ce qui ressemble à une boulette de viande
Je ne goûte pas
Je savoure et termine ce récit
Trente et un ans après l'émotion qui l'a inspiré

Similitudes 2 (Pour Véro)


Face à moi
Anne H.
Une fille Camille
Onze ans
Anne repasse son bac
Toutes les nuits
Et révise

Comme toi
Mon Amour
Comme Toi


Paris, 4 au 7 décembre 2007