lundi 3 août 2020

Mes histoires d’eaux


Avec l’âge me reviennent des briques de vie et je commence seulement à comprendre qu’elles ont contribué à construire ma vie. Des rencontres, des lieux, des événements, des sensations individuelles et collectives, autant d’instantanés qui composent aujourd’hui les pages de l’album d’une vie.

Moi qui suis de la ville, pourquoi donc j’aime autant l’eau ?

Alors je me souviens avoir grandi près du canal et des péniches, avoir joué avec les fils des mariniers, avoir rigolé avec Pincemi et Pincemoi qui étaient dans un bateau, avoir appris à nager dans la mer adriatique, avoir marché dans les pierres de la rivière qui traversait la maison de campagne vosgienne de mon ami d’enfance, avoir traversé la Manche en hovercraft avec ce même ami, avoir inventé l’univers de Bateau-Rouge et Bateau-Blanc pour faire rire et peur et endormir mes enfants, avoir marché en famille dans les pierres des rivières des canyons du sud, avoir traversé les sables mouvants de la baie du Mont Saint Michel, avoir roulé le long de gorges et de côtes magiques en France, en Suisse, en Norvège, avoir toujours aimé lire les rimes évoquant les cours d’eau, faut-il qu’il m’en souvienne, avoir toujours aimé les livres évoquant les îles, à Aran, à Ellis Island, ou du côté des Lofoten comme en ce moment.

Aujourd’hui j’aime lire à quai, sur ma péniche préférée où à bâbord circulent les voitures et les cyclistes, tandis qu’à tribord nagent les cygnes et les canards et voguent les bateaux à touristes, un lieu entre rester et partir, un lieu immobile entre les mouvements, une péniche d’où l’on peut voir une église majestueuse à deux tours en regardant en arrière et une cathédrale millénaire à une tour en regardant devant, une péniche à quai qui invite au voyage.

Mes histoire d’eaux à moi.


jeudi 16 juillet 2020

Avoir une vision ou une idée est une chose, la vendre en est une autre

Publicitaire, enseignant, associatif engagé, civic-techos démocrate participatif, talker de TEDx, facilitateurs, blockchaîneur, ou booster d'innovation, mes vies convergent et le message que j'essaie de faire passer se résume ainsi : pour savoir où l'on va, il est important de savoir d'où l'on vient et d'avoir une vision de là où l'on veut arriver. Ensuite, l'essentiel est dans le chemin que l'on construit avec les compagnons de route que l'on croise, mais pas par hasard.

Entre vision et aboutissement des projets, le chemin n'est pas simple et les compagnons de route ne sont pas si évidents à trouver. 


Le 10 juillet dernier, alors que je surfais dans les ondes virtuelles de Facebook, je suis tombé sur une conversation qui résumait tout ce que je pense. Avec l'autorisation des acteurs concernés, je la reproduis ici.

 
Post Facebbok d'Alain Bregy le 10/7/2020


Bon, je vous reprends ici les échanges de ce jour merveilleux.

Alain Bregy
[ chronique de presque-déconfiné ]
Détresse enseignante post-Covid ? Bien fait pour eux.
Vers les années 2009-2010 on était un paquet de monde à tenter d'amener les structures universitaires vers les univers virtuels 3D (SecondLife en ces temps-là), présentant l'enseignement "avatarisé" comme
- solution économique (pas forcément besoin pour certains cursus courts de se trouver un logement en ville pour quelques mois),
- solution distante ouverte à tous (étudiants étrangers),
- solution conviviale (tous les avatars sont présents physiquement au même endroit dans des salles virtuelles pouvant se parler, échanger, construire des choses ensemble, prototyper des objets, etc),
- solution technique (outils innovants qu'on développait alors).
Et que croyez-vous qu'il arriva ? Rien. Mais alors rien de rien.
Pour ma part, j'ai approché à de nombreuses reprises l'Université de Strasbourg, rencontré à l'époque 3 vice-présidents, les services de com, fait des démos des outils que j'avais créé alors pour ça:
- 1er navigateur web mondial en monde virtuel,
- interactions directes par SMS,
- affichage de textes, de slides, de video/VOD en salle,
- confs avec intervenants du monde entier en direct,
- co-écriture entre avatars de textes,
- webapp mobile de transformation collective d'objets 3D,
- interactions directes entre monde virtuel et sites web en IA (SoniaBot),
- etc
et rien, mais alors rien de rien.
Et pourquoi ? Parce que se lancer dans cette expérimentation était perçu par les administratifs, enseignants, chercheurs et autres pontes, comme perdre du pouvoir et du contrôle. Et il n'y a rien qu'ils détestent tant que ça.
Ce qui leur arrive à cause du Covid est de leur seule et unique responsabilité pour n'avoir pas voulu mettre en place ces outils à une époque où on aurait pu le faire progressivement, à leur rythme, mixant présentiel et virtuel, adaptant peu à peu méthodes et apprentissages collectifs. Bien fait pour eux.

Alain Bregy

Vu passer un post il y a 2 ou 3 jours sur l'éducation nationale. En 2019 :
- budget outils numériques : 10 millions d'euros
- budget photocopies : 40 millions d'euros.
Tu le vois venir le problème ?
..et idem pour les entreprises mais c'est encore une autre histoire. Bien fait pour elles aussi. L'archaïsme de nos structures dirigeantes/décisionnelles est à peine croyable.

Crystopher Keo

Ça sert à rien d'être trop en avance

Alain Bregy
N'avance sur quoi ? Appeler "avance" la comparaison avec le retard structurel est... osé. A l'époque des universités US, japonaises, et autres avaient déjà des cursus virtuels 3D. On était en avance sur rien du tout, juste confrontés un gros retard à combler

Crystopher KeoEn avance sur leur retard et la fenêtre de tir pour les sortir de là tu veux dire qu'il aurait été possible pour eux de réaliser ça et d'adopter tes solutions pour éviter ces problématiques. Je pose l'hypothèse qu'elles étaient inévitables vu leur retard et que tu étais en avance sur le timing dans lequel il y a une fenêtre de tir pour casser le déterminisme strict..
Une idée même si elle est bonne ‚ n'est bonne que si elle devient adoptée et mise en place. Sinon quelque part tu as raté ton coup non ? C'est donc ta responsabilité

Alain Bregy
Habile mais insuffisant parce que tu sous-entends du coup qu'il aurait préférable de ne pas les contacter et d'attendre qu'ils soient prêts et demandeurs. Aurait-ce été mieux - équivalent - pire ?

Crystopher Keo
Non je pense que du coup il y avait nécessairement une stratégie pour que ton projet soit adopté contrairement au faux-dilemme proposé. Et qu'il aurait nécessité une sorte de connivence épistémologique ou simplement se mettre à leur niveau de retard... Les prenant par la main et les accompagner afin que l'objectif fut été atteint (problème de conjugaison) et qu'ils n'aient pas ce retard aujourd'hui.. bénéficiant de ton boost innovant.
Aurait ce été mieux équivalent pire que de venir des années après dire qu ils sont toujours en retard et ont refusé ta super solution ?
Ta part de responsabilité la dedans est supérieur à la leur. #dftt

Alain BregyC'est exactement ce qu'on leur a proposé (moi à Strasbourg, d'autres ailleurs) : de les accompagner, de les aider à appréhender outils et méthodes, à investir ces nouvelles formes de relations enseignant/étudiant. Y'z'ont pas voulu... ni ici ni ailleurs. Qu'y pouvons-nous ?

Crystopher KeoC'était en quelle année tout ça ? Histoire d'essayer de me projeter, voir où j'en étais

Alain Bregy
2007-2008

(...)

Alain Bregy
Juste un exemple pour le fun : j'avais envie il y a qques années de rencontrer le big boss des poteries de Betschdorf (haut-lieu symbolique de la poterie traditionnelle alsacienne) pour lui proposer d'envisager une production virtuelle de pots en 3D. Ça aurait marché comme ça :
- au lieu d'investir 2 millions d'euros dans un four qui cuit plus vite, ils les mettent dans l'innovation pour le marché mondial
- ils forment leurs employés à de la modélisation 3D (fichiers STL par ex)
- ils lancent la production de poudre de grès en cartouches bleues et grises (couleurs traditionnelles des Betschdorf)
- ils vendent ces cartouches dans le monde entier
En pleine crise Covid, un habitant de Tokyo (Tokyoïte ?) ou de Los Angeles qui veut un Betschdorf dans sa cuisine télécharge le modèle qu'il veut, payant 5 $ le load, se rend dans le fablab le + proche avec le STL sur une clé USB et s'imprime en 3D son pot en 1/4 d'heure.
Au lieu de ça ils ont dû fermer leurs ateliers pendant 2 mois et demi (C.A = 0), mettant le personnel à la charge de la collectivité. Bien joué.

Roger NiffleMichel Serres a vu et dénoncé cela depuis longtemps. J’ai connu ce temps où dans les colloques internationaux auxquels je participais il n’y avait presqu’aucun français. Quelques émergences comme Caroline, des expériences passionnantes à Taïwan et pas grand chose d’autres. Quant au virtuel on n’a pas beaucoup avancé sur le côté immersion simulations. Beaucoup écrit sur le concept de virtuel de racine VIR et déjà utilisé par Aristote et Thomas d’Aquin, sur une « cité macro pédagogique ». Il faut dire que les canons idéologiques de l’éducation nationale ou des universités ne savent rien de tout ça. A noter que le travail de proximité à distance n’a guère avancé. Étrange ce coup de pied dans la fourmilière qui va tout changer en peu de temps.

Alain Bregy...qui ne va surtout rien changer.

Roger NifflePas sur parce que ça viendra du terrain

(...)

Bernard Bloch
Il y a quelques années, ton post sur Betschdorf m’avait incité et permis de créer un cours sur l’innovation pour des m2 en e-commerce. Je sens aujourd’hui que je vais copier l’ensemble de cette conversation qui illustre vraiment bien mon propos. Entre just in time et DIY ! Merci à vous tous !!

Alain Bregy
Ahahah il aura au moins servi à qq'un lol ^^

CQFD.

mercredi 8 avril 2020

La crise d'adolescence professionnelle

Quand je discute avec mes étudiants en Master 2, j’essaye de leur faire comprendre notamment que dans six mois ils seront sur le marché de l’emploi et qu’il est temps qu’ils s’assument.

Les devoirs d'étudiants sont un vrai révélateur


Le moment de discuter des devoirs des étudiants est un vrai révélateur et m'offre une belle opportunité d'essayer de leur faire passer mon message. 

Je leur explique que la question pour eux n'est plus de faire un devoir pour obéir au prof et avoir au moins la moyenne. Si c’est un devoir, c’est qu’ils ont aussi un droit : le droit de se « faire mal » pour montrer non pas leurs connaissances mais leur compréhension des connaissances acquises et leur valeur ajoutée à la thématique abordée. 

Ce n’est pas un concours et il ne s’agit donc pas d’être meilleur que leur voisin. Il s’agit pour eux d’être meilleurs qu’eux-mêmes la veille !

L’une des clés pour apporter de la valeur ajoutée consiste selon moi à bien circonscrire une thématique pour éviter de tomber dans un dossier générique qui ne sera qu’une synthèse de documents vus de ci de là. En circonscrivant une thématique, il est plus simple d’aborder une problématique précise pour la traiter sous plusieurs angles et être force de proposition et de valeur ajoutée.

Avec mes Master 2 de Commerce électronique, quand un étudiant ou une étudiante me demande si je veux bien être son correcteur pour un dossier technique, je lui pose deux questions.

Quelle technique veut-il aborder ? J’essaye en effet de m’assurer de leur pertinence et de leur actualité dans la transformation numérique en cours. Les sujets qui m’ont été soumis cette année tournaient par exemple autour du référencement orienté expérience utilisateur, de la réglementation pour la protection des données personnelles, des drones, d’une plateforme e-commerce de revente, les influenceurs, … 

Quel est le domaine d’activité ciblé ? Cela peut être, la mobilité, le luxe, le textile, les loisirs, les voyages, le sport, l’énergie, la santé, … Je les incite aussi à restreindre le périmètre géographique étudié. Une étude portant sur le Monde sera plus générique qu’une étude portant sur le Grand Est par exemple, forçant l’étudiant.e à trouver des chiffres d’autant plus pertinents.
 

Oser rêver


Parfois, ils ne savent pas vraiment le marché qu’ils veulent étudier. Je leur demande alors de me dire dans quel domaine ou quelle entreprise ils rêveraient de bosser. Et quand ils m’ont répondu, je leur dis que c’est peut-être le moment de commencer à renforcer leurs arguments de recherche d’emploi avec ce dossier technique qui peut leur permettre d’apporter de la valeur ajoutée à leur futurs recruteurs potentiels. 



Oser se planter avant de réussir


Il y a quelques années, j’avais demandé à mes étudiants de m’expliquer le dernier article qu’ils avaient publié sur le blog de leur Master. L’un d’entre eux m’avait expliqué qu’il avait écrit un article synthétisant son dossier technique portant sur le référencement géolocalisé sur Facebook. 

Après l’avoir remercié d’avoir « osé » en parlait devant ses camarades qui ne s’étaient pas bousculer pour me répondre, je lui avais expliqué le fond de ma pensée. Je résume : même si la techno évoquée n’était pas très innovante, le problème de son sujet était plutôt qu’il était trop vaste. Si j’avais été lui, j’aurais par exemple abordé le sujet en circonscrivant la problématique au cas de la chaussette dans le Grand Est. 

Cela l’aurait forcé à étudier le marché de la chaussette et des fabricants, notamment Labonal implanté à Dambach-la-Ville, de voir comment, par qui et où ils distribuent leurs produits, d’étudier également le mix communication de ce marché précis du textile, pour alors proposer des pistes d’optimisation du référencement géolocalisé sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux. 

Oser s'assumer


Je leur ai également expliqué que s’il avait fait cela, il aurait pu promouvoir son article ensuite auprès du groupement des agences de communication et de webmarketing, auprès de groupements du textile nationaux et locaux, auprès du Maire de Dambach-la-Ville, ainsi qu’auprès du DG, du DRH et du DirCom de Labonal. Et il aurait même pu ajouter sur son CV une vraie ligne décrivant son étude, cliquable vers son article. 

Oser être soi-même


Cette problématique que j’appelle également la crise d’adolescence professionnelle (quand est-ce qu’un étudiant apprenant va devenir un adulte sachant à l’aise dans ses baskets ?) a été à l’origine d’un talk que j’avais développé pour le TEDx de La Rochelle en 2016 : Le Permis d’être soi-même

En résumé, j’expliquais que le Permis d’être soi-même s’obtient à condition d’avoir passé quatre étapes dans l’ordre : le permis de rêver ; le permis de se planter ; le permis de réussir ; le permis de s’assumer.

Ce matin d'avril 2020, profitant du confinement pour corriger des dossiers étudiants, j'ai pu me rendre compte que ce Permis restait vraiment d'actualité et que je n'ai pas fini de partager ce message.