dimanche 27 février 2022

Chronique de deux nuits et deux jours parisiens

Quand j'ai publié mes posts sur Facebook, quelques amis m'ont dit que je devrais les rassembler sur mon blog. Alors les voici réunis ici.

Vendredi 18 février 2022, 19h38


Ce matin, les DNA nous informaient d’une nouvelle expo à l’Atelier des Lumières sur Cézanne. Alors, j’ai bossé puis pris le train et c’était fait.


Au-delà de l'anecdote qui est vraie, notre voyage avait été programmée depuis quelques jours pour découvrir le nouveau home de mon fils.

Samedi 19 février, 8h12


Paris s’éveille.

« C'est à cause des nuages qui se trouvent entre moi et tout ça, se dit-il à lui-même. Tu n'as pas oublié. Suffit d'enlever tous les nuages, et tu verras que tout est toujours là. La lune, avec Persée juste au-dessus, Orion juste en dessous : Tout est en place là-haut, tout brûle et brille comme ça le fait toujours. C'est bon de ne pas l'oublier.

Sauf si c'est faux.

Sauf si toutes les étoiles avaient fini de brûler il y a mille ans et que c'était seulement ce soir que leurs lumières s'éteignaient.

Tu pourrais tout aussi bien te réveiller demain matin et voir qu'Orion n'a plus de ceinture. Le fait que ça ait toujours été là n'aura aucune espèce d'importance le jour où ça cessera de l'être. Et il existera, ce jour. C'est la seule chose sur laquelle tu peux tabler avec autant de certitude que sur le fait que c'est là. Qu’un jour, ça le sera plus. »

Benjamin Whitmer - Évasion - Ed. Gallmeister.


Samedi 19 février, 8h57


Le serveur avait une tête louche. Et voilà qu’il s’approche moi.

« Monsieur, je peux vous poser une question indiscrète ? »

Je soupire intérieurement, mais je devine qu’il ne vient pas me demander quel livre je suis en train de lire avec mon café.

« Allez-y », je lui réponds en me doutant de la suite complotiste. En fait, c’est même pire que ça.
Il s’approche avec sa voix assez forte pour que d’autres crétins éventuels l’entendent.

« Vous savez qu’en France, c’est vous, c’est moi, c’est nous, les Français, qui payons la campagne des candidats à l’élection présidentielle, quand il font plus »

« Plus de 5%, oui je sais », dis-je en l’interrompant avant d’enchaîner. « C’est logique. C’est la démocratie justement. »

Alors, je le sens encore un peu plus énervé quand il s’éloigne.

Alors, ma seule certitude, c’est que je ne lui laisserai pas de pourboire. Ça devrait même être comme une dictée : je devrais pouvoir lui enlever quelques euros pour chaque connerie édictée.

Premier café parisien et premier café où je ne foutrai plus les pieds.

Café de la République ? Mon c..


Samedi 19 février, 11h54


En passant devant cette enseigne, je me suis demandé si ici serait accepté un petit homme « décis », pas indécis, bien au contraire, sachant parfaitement ce qu’il cherchait et ce qu’il savait qu’il allait trouver dans ce coin de rue.
 
Alors j’y suis entré. Et me suis installé sur un canapé contre la vitrine, face à la Place. 

Buvant, lisant, observant, j’ai repéré cette fontaine qu’on voit parfois sur les places de Paris. J’ai voulu en savoir plus. Les fontaines Wallace ont été dessinées par Charles-Auguste Lebourg. Elles tiennent leur nom de Richard Wallace, le philanthrope britannique qui finança leur édification. Elles sont souvent associées par les étrangers à l'image de Paris, car c'est dans cette ville qu’elles furent implantées en premier et qu’on en trouve le plus en France.

La Place de la Fontaine-Timbaud rend hommage à un métallurgiste militant. Après avoir passé un excellent moment dans le Café, j’ai remonté la rue et suis passé devant la Maison des Métallurgistes où j’ai pu faire le lien.

Entre temps, j’avais déambulé dans le surprenant Passage des Fonderies.

Bref, Les P’tites Indécises ont plein de raison de vous convaincre de venir les voir.


Dimanche 20 février, 7h59


Ce matin, il m’a demandé si j’avais toujours un livre quand je visite. Et oui, cher Ami de 31 ans, littérature rime très bien avec culture. 

Me lever tôt quand la maisonnée dort encore, lire le post du jour de cet ami, voir la nuit disparaître et le jour renaître, voir les hommes de l’aube nettoyer les rues et les poubelles, entendre et regarder leurs camions se désarticuler pour emporter nos désinvoltures et nos surplus, déambuler à la recherche des lueurs d’un troquet matinal, entrer et écouter si la musique contribuera à mon plaisir ou non, m’installer et commander mon premier café, ouvrir mon livre et mettre en scène une nouvelle photo de voyage, entre littérature et culture. 

Bonne journée à toi qui te reconnaîtras, et à vous si vous me lisez ici, tôt ou tard.


Dimanche 20 février, 8h23


- C'est quoi, au juste, ce que tu fais ? , dit-elle. Il déplia son couteau et se coupa une chique.

- La traque, ça se résume à deux choses. La première, c'est être attentif. La plupart des gens ne sont jamais attentifs à rien. Je suis attentif aux gens depuis que je suis petit.

- Pourquoi ? demanda-t-elle. Puis elle se rendit compte qu'elle connaissait la réponse. Il était devenu attentif aux gens à force de devoir anticiper qui serait le prochain à lui vouloir du mal. Quel jeune garçon de la ville allait vouloir le cogner à la sortie de l'école. Quelle fille allait le crucifier d'une réplique assassine. II avait pris l'habitude d'observer comment les gens se mouvaient au cas où leurs mouvements pourraient lui être hostiles. Parce qu'ils l'étaient toujours. Ça peut vous rendre vraiment très attentif d'avoir une ville entière qui se ligue.

- La traque, c'est pas suivre des traces, dit-il. C'est deviner ce que sera le prochain mouvement de la chose que tu traques. Tu interprètes des signes, mais au fond il s'agit juste d'avoir un coup d'avance. Place n'importe qui dehors à un endroit où il peut s'en aller soit dans un sens, soit dans l'autre, et tu verras que tout le monde s'en va dans la même direction. Tout le monde croit être différent, mais personne ne l'est. Ils se dirigeront vers les hauteurs, ou bien vers un abri. N'importe où ils pourront se sentir plus en sécurité qu'à l'endroit où ils sont.

- Mais les hommes ne sont pas des chevaux, Jim. 

(ElIe se leva, attrapa une tasse vide, la lui donna.) Comment tu fais, avec les chevaux ?
- Ils ont leurs raisonnements à eux, dit-il. C'est un petit peu plus dur, mais eux aussi, t'arrives à les cerner.

- Alors c'est ça, t'es attentif et puis c'est tout ?

- C'est ça, dit-il. Je ne vois rien que personne d'autre ne peut voir.

- C'est quoi, la deuxième chose ?Il cracha dans la tasse.

- Pardon ?

- La deuxième chose, dit-elle. Tu as dit qu'il y avait deux choses. C'est quoi, l'autre ?

Son air morne s'épaissit.
- C'est de savoir à quel point c'est facile de se tromper.

- Ça ressemble beaucoup au fait d'être attentif, dit-elle. Attentif à soi-même.

Benjamin Whitmer - Évasion - Ed. Gallmeister.


Dimanche 20 février, 9h55


La veille au soir, on avait assisté à Berlin Berlin, une comédie au Théâtre Fontaine. L’histoire d’un appartement avec un passage secret pour passer sous le Mur. L’histoire d’un nid d’espions qui tourne au burlesque.

Le lendemain, hier, mon fils nous a proposé de participer à un jeu de pistes pour partir à la découverte de son 11e arrondissement. Épatante idée et séduisante déambulation de huit kilomètres. Découvrir l’histoire de ce parc qui a remplacé ce qui fut la Prison des Roquettes, l’histoire de cet autre parc qui remplaça un orphelinat, l’histoire de toutes ces souffrances d’antan, mais aussi les histoires de ce parc d’où s’éleva la première montgolfière de l’Histoire, de cette rue qui fut la première piste vélocipèdique de Paris, des passages et des cours des artisans du Faubourg Saint Antoine, et puis.

Et puis au détour d’une rue, j’ai reconnu cet immeuble et cette fresque de visages familiers ici assassinés : Cabu qui faisait rire les enfants du Club Dorothée, Wolinski qui faisait tordre de rire ses parents, Charb, Tignous, Honoré, Bernard Maris et Elsa Cayat, et Franck, Ahmed, Mustapha, Frédéric et Michel, dont les destins leur sont liés à jamais, et surtout à toujours, l’histoire de cette tuerie contre notre démocratie, de cette nouvelle page noire de notre Histoire, une étape qui n’était pas du tout inscrite dans notre jeu de piste, encore moins inscrite pour figurer dans cette histoire, dans notre Histoire.

Un jeu de piste qui m’a touché-coulé. Et réveillé. #JeSuisCharlie


Dimanche 20 février, 18h24


Et voilà. Retour en Gare de Strasbourg. Merci ma famille pour ces deux nuits et deux jours parisiens.

Famille, je vous aime



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