lundi 19 mai 2008

Cent raisons apparentes



Samedi matin, je circulai en voiture quand je me rappelai que j'avais oublié de remercier ma mère pour les cent euros qu'elle m'avait offerts pour mon anniversaire.

Les cent euros étaient déjà dépensés depuis bien longtemps en achats de nourriture et autres babioles vitales : je ne m'étais pas spécialement offert de cadeau et je me voyais mal raconter cela à ma mère.

Je me voyais pourtant bien offrir cent euros au premier venu. Me disant cela, je repensais à la biographie d'Alexandre Jardin quand il racontait la vie de son père, un original bienheureux qui, par mauvaise conscience de sa fortune, aimait s'arrêter dans une cabine téléphonique et y laisser quelques centaines de francs pour procurer un instant de bonheur au prochain usager de la cabine.

Ces pensées sorties de ma tête, je poursuivis ma route jusqu'à ma banque où m'attendait notre nouvelle conseillère, la cinquième en deux ans...

Après deux heures de présentations, d'échanges, d'argumentaires et de palabre, je ressortis de la banque fier d'avoir exprimé mes griefs, revendiqué mes exigences, économisé douze euros ardemment négociés et souscrit à une carte Premier très chère et ô combien inutile.

Sortant sans un sou sonnant et trébuchant (le sou) dans mon portefeuille, je décidai de retirer cent euros du distributeur pour m'offrir un café et effectuer quelques emplettes au marché.

Après avoir ingurgité mon café et lu tranquillement les DNA, je me levai pour régler la note. Quelle ne fut pas ma surprise en ouvrant mon portefeuille de le découvrir vide de chez vide. Confus mais serein, j'informai ma serveuse préférée que j'allai vite retirer de l'argent et revenir rembourser ma dette.

Je retournai donc au distributeur en me demandant comment j'avais bien pu égarer cent euros en aussi peu de temps. Évidemment aucun euro ne m'attendait dans la fente à billet du distributeur. Je fermai donc les yeux pour me remémorer la scène. Celle-ci se déroule une demi-heure plus tôt : je me revois demander un retrait de cent euros, presser le bouton métallique pour valider que je ne souhaite pas de ticket, entendre le bip bip m'informant que je peux retirer ma carte bleue, la récupérer effectivement et repartir... sans avoir retirer les cent euros. Aussitôt je rouvris les yeux pour crier un "Quel con !" tonitruant en mon for intérieur.

Néanmoins satisfait d'avoir si rapidement revécu et identifié mon erreur, je réitérai l'opération en veillant cette fois à récupérer réellement mes deuxièmes cent euros que j'emportais cette fois avec moi.

Mi-déçu mi-fataliste, mais franchement heureux d'avoir offert cent euros à un inconnu, je décidai de ne plus faire d'emplettes et de ne plus dépenser d'argent au cours de cette féérique matinée.

Je récupérai donc ma voiture et, rentrant chez moi, je décidai de téléphoner à ma mère. Je la remerciai très sincèrement de des cents euros qu'elle m'avait offerts. J'hésitai à lui raconter la réalité de mon histoire et préférai la taire. Pourtant, au fond de moi, je sais qu'elle en aurait rigolé et qu'elle aurait été fière de moi, fière que son fils se soit offert ce délicieux poème.

 

Ostwald, le 19 mai 2008.

 

 

 

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