Résumé des épisodes précédents. Depuis janvier 2016, j'ai chroniqué la vie d'une communauté d'industriels réfléchissant sur le facteur humain dans l'usine du futur.
18 mars 2016. 3ème séance sur le facteur humain dans l’usine du futur. Changement de décor, les industriels se sont donnés rendez-vous chez l’un d’entre eux, Aldes, fabricant de solutions de climatisation des bâtiments.
La météo des participants semble au beau fixe, tous avides de voir la suite. Au programme, trois sous-groupes, chacun invité à réagir sur une vidéo différente. Zoom sur l’entreprise libérée.
L’entreprise libérée
Frédéric Lippi est le président de LIPPI, fabriquant charentais de clôtures et portails métalliques. Les deux frères ont été sacrés dirigeants digitaux de l’année 2016 lors des trophées des industries numériques organisés par L’Usine Digitale. Petite leçon sur la méthode Lippi.
"Il y a quelques années, notre constat était que notre modèle économique devait évoluer, explique Frédéric Lippi. Notre réponse a été de faire évoluer notre entreprise en faisant évoluer les équipes au cœur de l’entreprise." La stratégie de Lippi a tenu en quatre points qui lui ont permis de devenir une entreprise dynamique dans ses initiatives.
- Élargir les champs culturels.
- Faire émerger une vision du vivre ensemble : pourquoi passer plus de temps dans l’entreprise avec ses collègues qu’avec sa famille qu’on a choisi.
- Apprendre à collaborer ensemble, notamment grâce au management visuel.
- Comment faire émerger des leaders, certainement par cooptation, par la confiance des autres pour les représenter.
Pour accompagner cette transformation, la démarche est essentielle. "Tout le monde n’avance pas au même rythme, comment exprimer ses idées sans agresser l’autre (…). Le développement personnel est un sujet sur lequel nous portons une attention toute particulière. (…) On a des équipes qui acquièrent des compétences extrêmement accélérées. On a aussi des résultats de type beaucoup plus opérationnels : baisse du niveau de stock, remarketing de l’offre, amélioration du taux de service…"
Pour modifier le modèle économique de l’entreprise, avec l’aide du corps social, et de façon méthodique, "il y a trois préalables indispensables, pour Frédéric Lippi. D’abord de la confiance. Il faut avoir le courage de la présomption de confiance, imaginer que chacun fait du mieux qu’il peut et que sinon, c’est que l’organisation n’a pas été au niveau de cette attente.Second préalable, du temps ! Pour transformer le corps social et générer de la performance durable, il faut du temps pour réfléchir et prendre le temps de faire des essais. Enfin, il faut faire tout en même temps. Il faut penser l’entreprise comme un organisme et faire tout changer un peu en même temps."
Pour le président de Lippi, les prochaines évolutions toucheront au management. "Comment passer d’un management de contrôle à un management porteur de sens, qui rappelle la dimension de ce qu’on fait, pour quelle raison, et qui va permettre aux équipes de faire face à l’ensevelissement du quotidien. C’est ça le job du management, beaucoup moins dans le contrôle, et beaucoup plus en tant que garant du sens."
La génération Y
Emmanuelle Duez est co-fondatrice de The Boson Project, un cabinet de conseil d’un nouveau genre, « un laboratoire de développement du capital humain ». Elle explique les 3 caractéristiques de la Génération Y.
"C’est la première génération post-moderne, une génération pour laquelle le futur est plus sombre que le passé." Cette startupeuse explique que c’est une génération qui a vu ses parents se retrouver au chômage après s’être beaucoup donnée pour leur entreprise. "C’est une génération pragmatique, individualiste, qui entretient un rapport avec l’entreprise assez différent par rapport aux générations précédentes." Résultat : une génération qui raisonne plutôt en court-termisme et d’inversion du rapport de force avec l’entreprise. L’épanouissement à court terme suppose du sens, de la transparence, de la reconnaissance de la légitimité et non pas du statut établi. "A quoi ça sert le boulot que je fais tous les jours, à quoi ça sert que je me lève, puisque de toutes façons il n’y a pas d’engagement à long terme ?"
Une autre caractéristique est que la Génération Y est la première génération interconnectée à l’échelle de la planète, du fait de la révolution numérique. "C’est une génération qui est capable de faire plusieurs choses en même temps, de zapper très facilement d’une tâche à l’autre, une génération qui est dans l’impatience…"
La troisième caractéristique est que c’est la prochaine grande génération. "Ce n’est pas un épiphénomène car nos comportements dans les entreprises vont devenir la norme. (…) Se dessinent dans les entreprises des modes de fonctionnement très différents de ceux que l’on connaît à l’heure actuelle."
Pour les participants du sous-groupe de travail, trois enjeux sont à retenir.
- Il faut intégrer le nouveau mode de pensée et de culture de la Génération Y.
- C’est à l’entreprise de s’adapter.
- Il faut intégrer le numérique dans la transformation sociale de l’entreprise.
En fait, ce n’est pas une question de génération Y, mais des comportements mondialisés par le numérique et ses impacts en terme de plaisir immédiat, de co-conception et de co-développement. En volume, cet état d’esprit représente des millions de personnes qui vont forcer le changement de l’entreprise.
L’open innovation
L’open innovation est une nouvelle façon d’innover, basée sur la confiance entre entreprises, fournisseurs et clients. Mais comment et qui capte la valeur économique ainsi créée ?
La vidéo du MOOC « Innover et entreprendre dans un monde numérique », proposé par l’Institut Mines-Télécom, apporte des éléments de réponses.
Après visionnage, les participants de ce troisième sous-groupe soulèvent principalement les points suivants :
- Redéfinir le lien client-fournisseur-prestataire
- Externaliser la R&D
- Le numérique est la base du lien
- L’open innovation s’appuie sur l’extérieur pour réagir et co-construire des solutions
- Comment produire tout en étant en écoute ouverte ?
- Qui capte la valeur créée ?
- Comment organiser les collaborations de l’entreprise ouverte ?
- Problèmes légaux de brevets ?
De l’avis générale des participants, "il faut d’abord réfléchir sur qui on est, car l’entreprise ouverte ne sera plus la même sur l’entreprise fermée. La première étape consiste donc à repréciser qui on est. On le voit bien aussi avec l’exemple de BIC qui s’est rendu compte qu’il n’était pas un fabricant de stylo mais un fabricant d’objets du quotidien en plastique à bas prix. Aujourd’hui, BIC fait des rasoirs, des briquets…"
Une présentation des travaux du groupe de travail en 2017 ?
Après avoir réagi collectivement à ces différentes approches, le groupe de travail initié par la CCI a commencé à bâtir un plan d’action et espère présenter ses travaux en mars 2017… Sous quelle forme ? En s’appuyant notamment sur les outils qui ont permis d’initier les réflexions lors de ces trois premières séances de travail : des questions pour se projeter, de la co-vision et des paroles d’experts pour faire réagir. Les participants ont d’ores et déjà décidé de se retrouver fin avril pour clarifier leur point de sortie et bâtir leur feuille de route. Une chose est sûre, les participants sont impatients de se retrouver tous ensemble et très régulièrement pour avancer dans leurs réflexions.
Pour Mireille Hahnschutz, conseillère industrie à la CCI Alsace et initiatrice de ce groupe de travail sur Le facteur humain dans l’usine du futur, "le sujet de l’industrie du futur est d’actualité. Tout le monde convient que l’aspect humain sera fondamental. Aucune expérimentation sur le sujet n’existe. Et pourtant, un groupe qui partagera ses apprentissages et les expérimentera apportera de l’eau au moulin. Chacun a des questionnements et a envie d’expérimenter des solutions. Seul, c’est compliqué. Le groupe a d’ores et déjà créé sa propre dynamique d’auto-gestion. Chaque participant deviendra un maillon fort du groupe. L’entreprise libérée est en marche. Et c’est peut-être bien une première en matière de prospective."
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